La commune de Badi, située dans des collines, est composée de 5 villages dont les populations parlent tous la même langue et partagent des richesses socioculturelles communes, telles que : la façon de préparer les repas, d’éduquer les enfants, de travailler et même le fait de prier, même si c’est selon des rites différents. Les religions musulmanes, chrétiennes et animistes y sont pratiquées. Les populations vivent dans un climat de bon vivre-ensemble depuis toujours. Les habitants sont essentiellement agriculteurs, avec quelques élevages de volailles, et il y a également des commerçants et des artisans qui sont installés dans les différents villages. Pour valoriser ces activités, la commune organise ponctuellement des foires qui réunissent les habitants de ces villages. Ces foires sont très prisées et sont également fréquentées par des habitants de la région, qui viennent de loin pour y faire du commerce. Dans cette zone géographique, les points d’eau ne sont pas suffisants par rapport aux besoins de la population (qui s’accroit), en termes d’accès à l’eau potable et à l’eau de production, ce qui impacte négativement sur les conditions de vie des populations, aussi bien sur le plan social qu’économique. Beaucoup d’ONG interviennent pour contribuer à répondre aux besoins humanitaires et de développement local.

Dans le cadre de la mise en œuvre d’un projet d’appui à des groupements féminins travaillant dans la transformation et la vente d’arachides et de karité de l’un des villages de cette commune, Bolugou, L’ONG « Egalité des chances pour les femmes » constate que ces femmes marchent 7 km pour aller chercher l’eau servant pour boire, laver le linge, faire la vaisselle, etc.

Elles se rendent dans le village de Nattogou, situé dans la même commune, pour puiser de l’eau dans le puits à grand diamètre installé il y a quelques années par l’ONG « Une planète pour tous » dans le cadre d’un projet de développement local. Le projet visait à contribuer à la gestion et à la conservation des ressources naturelles à travers un appui aux activités de maraichage collectif, principale activité des hommes de ce village. Depuis l’installation de ce puits, les femmes du village de Bolugou ont commencé à venir puiser l’eau chaque matin, sans en demander l’autorisation à qui que ce soit, puisque l’eau comme la nature appartient à tout le monde, se disent-elles. Les hommes de Nattogou n’ont pas accepté que les femmes de Bolugou viennent utiliser leur puits et les ont peu à peu accueillis avec des insultes.

Cette situation a révolté les membres de l’équipe projet de l’ONG « Egalité des chances pour les femmes ». L’ONG disposant d’un fonds d’appui « genre et WASH », elle a décidé de construire un forage au sein du village. Quelques semaines après l’installation de l’ouvrage, l’équipe projet vient faire une enquête de satisfaction des bénéficiaires sur leur projet et constate que le forage n’est pas utilisé. Pourtant, lorsqu’ils interrogent des villageois de Bolugou sur leur satisfaction par rapport à cet ouvrage, tout le monde se dit content. C’est après plusieurs visites qu’un des aînés du village a osé prendre la parole pour expliquer à l’équipe projet que les femmes ont besoin de faire cette marche pour être à l’abri des regards et des oreilles dans leurs discussions et pour pouvoir échapper aux avances matinales de leurs maris. Pendant ce temps, le conflit s’est exacerbé : après les violences verbales, les maraîchers ont pris l’habitude de chasser les femmes avec des pierres à chaque fois qu’ils les trouvaient aux abords du puits, ce qui a entraîné une interruption des relations entre les deux villages.

6 mois après cette dernière visite terrain, 9 familles du village de Kiboulgo touchées par la famine suite à une période de grande sécheresse, sont venues trouver refuge dans le village de Bolugou, réputé pour son hospitalité et son sens de la solidarité.

L’ouvrage n’étant pas utilisé par les femmes du village, c’est au moment où ces personnes déplacées sont arrivées et qu’elles ont voulu utiliser le forage qu’une panne est constatée sur l’ouvrage. L’ONG « Secours humanitaire » veut intervenir dans le cadre d’un projet d’urgence visant à contribuer à la sécurité alimentaire des PDI, notamment à travers la réhabilitation de l’ouvrage… Que va-t-il se passer à Bolugou ? …

A travers l’approche cohésion sociale, essayons maintenant de comprendre le contexte, les conflits à l’œuvre dans cette histoire, ceux qu’on aurait pu éviter, ceux qu’on peut anticiper maintenant, et la façon dont un simple puits peut contribuer à la cohésion sociale et à la paix comme au conflit et à la violence.